Qui êtes-vous ?

- Serge Dufoulon
- Professeur des universités à l'Université Pierre Mendes-France, Grenoble II. Enseignant-Chercheur en Sociologie et Sciences Sociales diplômé de l'Université Lumière Lyon II. Diplômé (HDR) de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris. Une grande partie des études réalisées à l'Université de Provence d'Aix en Provence. Collaboration avec "Cabinet Chrysippe, R&D en sciences humaines et sociales (www.chrysippe.org)
vendredi 12 avril 2013
La ministre a tourné sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler Culture
La ministre de l'enseignement supérieur Geneviève
Fioraso veut instaurer des cours en anglais dans les universités françaises
!
Encore une trouvaille d'une ministre qui devrait
peut être prendre quelques cours à l'université pour se mêler aux étudiants, de
tous âges, afin de comprendre à quel point ces derniers ont de plus en plus de
mal à s'exprimer à l'écrit et à l'oral, en français correct. Si en plus ils
doivent se noyer dans l’anglais !!!! Sans compter que des cours d’anglais
sont déjà dispensés dans la majorité des disciplines sans que cela ne fasse
recettes auprès des étudiants.
Outre le risque de dispersion vers l’abysse de la
nullité d’expression dans les deux langues Français et Anglais, notre ministre
doit ignorer ce qu’est la Culture, car une langue c’est aussi un élément
central d’une Culture, d’où, au cours de l'histoire, les résistances des
cultures locales (Basques, Bretons, Alsaciens, Catalans, etc.) à se voir
imposer le Français qui était la langue de la centralisation et non celle de
leurs parents et de leurs ancêtres.
Pour les néophytes, et pour aller vite, la
Culture, c’est Adam + la feuille de vigne ! Cet attribut fut un objet
culturel s’il en est qui servait à voiler la Nature. Et voilà que j'évoque la
fameuse opposition Culture/Nature, sauf que cette opposition n’est pas réelle
comme le raconte le grand anthropologue Marshal Sahlins
lorsqu’il montre comment l’histoire de la Nature et de la Culture est en fait
une histoire de la domination des uns sur les autres dans les sociétés depuis
avant l’antiquité.
L’idée développée par Marshal Sahlins, c’est que
tout discours sur la Nature est un discours de légitimation de soi-disant
différences biologiques naturelles mettant les uns en position
« naturelle » de domination et les autres en position
« naturelle » de dominés. De là à ce qu’on considère naturel que dans
l’échelle de l’évolution certains soit en haut (blancs, blonds, hétéro...) et
d’autres en bas, il n’y a qu’un pas… Un homme vraiment bien ce Marshal Sahlins…
pour un anglo-saxon !
Bien avant notre ère la culture (ou les cultures)
était déjà là ! Même Dieu avait imposé à Adam et Eve un modèle culturel du
paradis dans lequel la femme n’était qu’une côte de l’homme, pas même sa
moitié, et l’homme la victime d’une femme fatale ! Il n’a fallu qu’une
pomme, un serpent et une femme doucereuse pour que le nigaud perde tout !
Dieu avait inventé le loto avec son reptile et on s'est tous retrouvé par la
suite au boulot à cause d'un type un peu facile à a séduire... une pomme
!
Pour revenir à la langue, l’inconscient est
structuré par la Culture et la langue d’un peuple parmi d’autres éléments. Qu’il
s’agisse, de la famille, des formes de solidarités, des émotions, des
sentiments, des croyances, des pratiques sociales, etc., les structures
symboliques d’une Culture s’expriment dans la langue, et aujourd’hui, alors
qu’il faudrait revenir aux fondamentaux de la langue française, dès le
primaire, la ministre veut que les cours soient en anglais ? Mais qui l’a
inspirée ? Il faut mettre cet inculte aux fers !
L’absence de langue et de Culture c’est perpétrer
les inégalités sociales et en construire de nouvelles majeures, pour les
catégories sociales défavorisées, car c’est la maîtrise de la langue et de
l’écriture qui est l’apanage des élites comme le montre Christian
Bromberger. André
Leroi-Gourhan a étudié toute sa vie "Le geste et la parole", et Claude
Hagège s'évertue à défendre toutes les langues mais également à
protéger le Français, madame la ministre, revoyez vos classiques et puis
vous-même, Do you speak English ?
lundi 8 avril 2013
L'habit fait le moine, l'agrégation fait le « rabbin philosophe »
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Gilles
Bernheim, le grand rabbin de France, aurait fait état d'une agrégation
qu'il n'aurait jamais obtenue, on le surnommerait même le
"rabbin-philosophe" !
Attention braves gens à ne pas produire une
pensée trop élaborée et par trop disciplinaire (philosophique, sociologique,
anthropologique, etc.) sans avoir obtenu votre doctorat ou votre agrégation,
vous risqueriez d'avoir à
vos trousses les cafteurs qui se prennent pour des chasseurs de vérité . Encore des moralistes qui se prennent pour le bras armé de Dieu !
Ben oui pour penser juste, il faudrait un diplôme, le reste n'est que sens commun !
Pour professer il faut un diplôme, sinon vous n'êtes que bricoleur !
Philippe Leblanc a travaillé comme architecte durant 30 ans en donnant satisfaction à ses commanditaires. José Miguel Llorca a été médecin durant 10 ans sans diplôme et n'a même pas été découvert !
Les ports d'entrée sur les marchés du
travail, c'est à dire le niveau de certification et de qualification auquel vous
pourriez prétendre bosser, nécessitent aussi un diplôme. C'est la garantie par
vos pairs et par l’État que vous maitrisez les requis disciplinaires,
méthodologiques et théoriques, spécifiques à la profession que vous allez
exercer. Bien entendu, les niveaux d'études se discutent, entre un Certificat d'Etudes Primaires d'autrefois et une licence d'aujourd'hui... Le diplôme ne garantit aucunement votre probité, votre
intelligence et vos qualités une fois obtenu et nombreux sont les
citoyens qui se heurtent à des professionnels (de toutes professions), dans
tous les domaines qui sont des parfaits idiots incultes !
Cette anecdote met l'accent sur les modes de
formation – on parlera souvent d’initiation en anthropologie -, et de
reconnaissance professionnelle admis dans les sociétés modernes. Lorsque je demandais à un collègue ex-Ecole des Mines pourquoi des maths à l'entrée en fac de médecine ou dans d'autres formations universitaires ou écoles d'ingénieurs qui ne serviront à rien par la suite, il m'a répondu :"Il faut bien un moyen de sélection, ça ou faire sauter un candidat un mur de 4 mètres de haut, c'est juste bon à éliminer !"
Les savoirs-faire ne suffisent pas, même pour ouvrir un petit atelier, il faut un CAP ou BEP, alors que Xavier Niel le fondateur de Free va recruter des talents informatiques, même sans diplôme.
Ici, après un long
parcours éducatif, primaire, secondaire, supérieur... l’étudiant qui a beaucoup
appris de savoirs est reçu diplômé. Ailleurs, dans d'autres types de cultures, comme le
raconte magnifiquement mon collègue africaniste Bruno Martinelli à propos des forgerons
Moose du Yatenga, l'apprentissage ne se fait pas par "ce qui est su"
mais par "ce qui est éprouvé", la mise à l'épreuve, notamment par l'éducation et la mobilisation des
sens, le cognitif, soit voir, sentir, toucher, entendre, à travers la socialisation, depuis la plus tendre enfance
jusqu'à l'âge d'homme. Partout, il faut conformer aux "règles du jeu" social comme dirait Jean-Daniel Reynaud,
car ce qui ce qui fait société, c'est aussi les systèmes de règles
collectives, mêmes lorsqu'elles sont iniques, superflues, partiales,
etc.
Il existe des passerelles pour faire valoriser l'expérience professionnelle acquise ailleurs et obtenir un diplôme (VAE, VAP), et certes je ne doute absolument pas des qualités du grand rabbin de France comme philosophe, ni d'ailleurs d'autres religieux, d'autres religions, ils sont spécialistes des philosophies idéalistes et de leur pratique quotidienne, mais à vouloir prendre l'autoroute plutôt que les passerelles pour être les 1er au ciel...
Craignez que dans cette société des experts, qui prennent de plus en plus de place, il vous faudra un diplôme bientôt pour aller faire ses besoins, alors que comme le dit mon copain Guillaume, "ya pas à tortiller du cul pour chier droit !"
dimanche 7 avril 2013
La semaine des députés durables et renouvelables : Cahuzac revient !
Les élus
politiques se sont mis depuis longtemps à la mode du développement durable et des énergies renouvelables dont
c’est la semaine européenne.
Une fois
élu, il faut durer… Il y a dans cette assertion quelque chose qui ne colle pas
! Un élu est, par définition, soumis à un suffrage et à une mandature : et
oui c’est le suffrage qui est durable et renouvelable pas l’élu faudrait pas
l'oublier. L’affaire
Cahuzac est un bon prétexte pour réfléchir sur notre système démocratique et la
place des élus.
En fait Jérôme, peuchère, il a fait comme les autres, c’est ce qui se dit à propos des révélations sur "OffshoreLeaks" concernant l’évasion fiscale mondiale !
Je ne peux
m’empêcher de songer que les systèmes politiques modernes semblent encourager
les instincts les plus bas chez nos élus, nos leaders, nos élites
industrielles, intellectuelles, etc. Ben après tout, une petite jouissance
immédiate de la position acquise de haute lutte c’est bien mérité non ? A
quoi bon être élu si on ne peut s’envoyer en l’air et avoir quelques privilèges
sans que des citoyens ordinaires viennent faire chier !
Je ne
prendrais pas la piste de la réflexion sur "désir, société et
démocratie" aujourd'hui, mais sur Mediapart Michel Koutouzis explique que le
capitalisme et la nouvelle « culture de l’instant » sont
responsables en grande partie du pillage auquel se livrent les puissants au
détriment des plus faibles et des plus pauvres, faut bien que certains paient
quand d'autres s’engraissent. L’économiste et anthropologue Paul Jorion se
demande dans Le Monde « Comment sortir de cette crise qui accroît le
fossé entre le peuple et les élites ? »
Pour un
anthropologue, cher collègue, les réponses sont multiples : l’étude des
cultures exotiques nous enseigne qu’il y a de multiples formes de systèmes
politiques et par un « Détour » comme le fait Georges Balandier, dans son ouvrage du même nom, on
pourrait comparer notre modernité à l’aune de ces cultures traditionnelles.
Penser aux élus, à leur rôle et à leurs privilèges est fondamental pour la
démocratie et pourquoi alors ne pas lire ou relire le très beau livre de Claude
Levi Strauss Tristes Tropiques,
dans lequel il montre comment chez les Nambikwara le chef est au service de sa
tribu et ne possède rien, pour ne pas dire qu’il est le dernier servi. Pierre
Clastres a posé aussi ces questions de l’organisation politique des sociétés
dans un ouvrage célèbre La
Société contre l'État.
Vous
imaginez la gueule des élus s'ils étaient tirés au sort comme les jurés
d'assises et juste défrayés de leurs frais et de leur salaire ou revenus
d'activité laissés en suspens ? En plus s'ils n'étaient pas d'accord pour
assumer la charge, on les pénaliserait ! Il y aurait certes moins de monde au portillon,
sympa non ?
Pourquoi
faire croire aux gens que notre système démocratique est le moins pire !
Notre système de représentation politique et la place de nos élites ne sont pas
issus de droit divin comme on voudrait le croire et ne sont pas uniques et
éternels.
Tous ces émois et ces cris sur la « démocratie en danger »
à cause du pauvre Jérôme Cahuzac… C’est le faire payer hypocritement par peur
que les gens avec un peu d’imagination et beaucoup de ras le bol commencent à
s’organiser sans les élus professionnels incompétents à régler les problèmes de
la cité et du pays… J’ai vu que certains préféraient d’ailleurs de la démocratie directe, pas loin de chez nous, et il
semble que ça fonctionne pas mal…
samedi 6 avril 2013
Les pauvres tiennent compagnie aux riches
Je suggérais
il y a, quelques temps, lors d'un de mes passages à RMC dans l'émission "Les
Grandes Gueules", qu'il faudrait que les riches épousent des
chômeurs(euses) afin de partager leur fortune et leur destin tout en se
renouvelant. Un bon moyen de lutter contre le chômage et une façon de relancer
l'ascenseur social ou de jouer au Monopoly les soirs d'hiver à la veillée
:
"J'achète
les Champs-Elysées !
- Chérie
je ne te l'ai pas dit, mais nous les possédons déjà..."
L'idée peut
paraître incongrue, sauf que, ce que l'on nomme en anthropologie l'hypergamie,
est une pratique assez courante dans la plupart des cultures, le fait que l'un
des époux soit issu de catégorie sociale ou de classe sociale inférieure. Le
plus souvent d'ailleurs, se sont les épouses qui sont en position d'infériorité
dans les pratiques de mariages hypergamiques mais l'inverse est vrai aussi. Les
coureurs(euses) de dote sont de cet genre. On peut y voir aussi, en filigrane, pour
les plus défavorisés, le maçon du coin ou la poissonnière marseillaise
rêvant de mariages princiers...
Ma boutade
sur RMC m'est revenue à l'esprit en lisant un article publié dans Le Monde qui
a attiré mon attention :
La solitude
et la pauvreté relationnelle seraient le fait des sociétés développées et des
catégories sociales les plus riches : on pourrait résumer grosso modo en disant
que: chez les riches on crève d'ennui et de manque d'affection tandis que les
pauvres se marrent et sont plus chaleureux et charnels.
On croit
pouvoir observer depuis la coupe du monde de football en 1998, un certain regain
d'encanaillement des catégories de bobo et BC-BG qui ont envahi les
stades a tel point qu'un amateur de foot interviewé au journal d'informations
sur France 2 pour le match PSG-Barca disait :
"Les
places pour aller voir un match sont de plus en plus chères et de plus en plus
rares à cause de ces gens qui ont de l'argent et qui vont au foot".
Et oui les
riches vont jusqu'à piquer les loisirs des pauvres ! Ils font aussi monter les
prix de l'immobilier en PACA, au Maroc, etc., pour n'y habiter que quelques
semaines par an avec pour résultat que les gens modestes ne peuvent plus se
loger vue la hausse des loyers et des terrains. Et maintenant ils vont chercher des pauvres pour leur tenir compagnie comme dans le film "Le jouet".
Une analyse
plus fine montrerait que les catégories sociales aisées ont besoin se commettre
avec les gens du peuple pour asseoir leur légitimité en termes de domination
culturelle, économique et sociale : rappelez vous que les grands historiens du
Moyen-âge, E. Leroy-Ladurie, G. Duby, etc., montraient comment
lors des fêtes publiques, le carnaval par exemple, toutes les catégories
sociales se mélangeaient et les pauvres pouvaient aussi à loisir critiquer les
puissants. Une fois la fête finie, tout rentrait en ordre, et tout le monde
reprenait sa place et jouait sa partition et pas celle de l'autre, il faut
revoir le film Nôtre Dame de Paris ou relire le roman.
Ce types de
représentation un peu néo-colonialiste est également rapporté par les
touristes, pas forcément aisés d'ailleurs, revenant de quelque voyage vers des pays "sous-développés"
ou pour le dire pudiquement, comme il sied à un anthropologue, "en voie de
développement" :
"C'est
vrai que les gens sont pauvres dans ces pays mais ils sont tellement chaleureux,
gais et généreux !".
Que
d'images d’Épinal qui tendent à justifier la pauvreté et à légitimer que pour
être riche, il a fallu que ces catégories sociales dominantes aient sacrifié et
perdu en route quelque chose de leur humanité et de leur vie intérieure. C'est
tellement rassurant d'avoir plus pauvre et plus malheureux que soi ! C'est
tellement rassurant d'être riche et de savoir qu'on en a payé le prix ! Et puis qui voudrait encore être riche quand on les voit tristes esseulés, ne doit-on pas les plaindre ? Pauvres
riches !
Les médias de la presse écrite et télévisuelle font leur choux gras de ce types d'histoires.
Les médias de la presse écrite et télévisuelle font leur choux gras de ce types d'histoires.
Quand
j'entends ces propos colportés par des voyageurs, je ne peux m'empêcher de
penser à "l'Ecole des fans" de Jacques Martin et l'humour avec lequel
cet animateur mettait en scène les enfants :"Mais je connais ton
village, il y a une église... et une boulangerie..." bien entendu il
faisait malicieusement état de lieux communs à tous les villages français et
au-delà.
Au retour de
votre prochain voyage vers des terres lointaines, faite l'expérience et dites à
vos amis "Ah oui dans ces pays où les gens sont vraiment dénués de
tout, les enfants sont joyeux et ne pleurent pas, les gens sont chaleureux et
donnent tout ce qu'ils ont... et puis, ils ont toujours le sourire...",
vous pourrez lire sur le visage de vos amis l'expression entendue de ceux qui
savent de quoi il retourne.
Sauf que
dans ces pays là, l'illusion du bonheur occidental à la mode du "noble
sauvage" s'estomperait vite si vous deviez y vivre : être touriste c'est
une chose, vivre dans le dénuement au quotidien en est une autre : question de
statut et de fantasmes aussi. Si vous souhaitez aller plus loin sur ce thème et
avant que je ne poursuive mon billet d'humeur, je vous recommande le très bel
ouvrage de feu mon Professeur Georges Condominas, L'exotique est quotidien ou
encore la revue contemporaine "Survival international" qui vous
parlera de la lutte des sociétés traditionnelles, aujourd'hui, pour ne pas
disparaître tout à fait :
Les pauvres
et les riches se sont toujours enviés il semble dans leurs manques respectifs.
Je me souviens au lycée avec mes copains comme nous rêvions de sortir avec
"des filles de bourges qui sentaient bon" tandis qu'elles rêvaient de
s'acoquiner avec "des mecs des vrais, un peu zone"... alors
pourquoi tant de cinéma et tant d'hypocrisie, mélangez-vous et tout le monde
y gagnera ! Fric, chaleur, travail, etc.
Ah oui mais... et la transmission du patrimoine, la propriété ? Ben faut pas que ça se disperse et se dilapide avec n'importe qui...Retour à la case départ !
Ah oui mais... et la transmission du patrimoine, la propriété ? Ben faut pas que ça se disperse et se dilapide avec n'importe qui...Retour à la case départ !
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