Qui êtes-vous ?

Ma photo
Professeur des universités à l'Université Pierre Mendes-France, Grenoble II. Enseignant-Chercheur en Sociologie et Sciences Sociales diplômé de l'Université Lumière Lyon II. Diplômé (HDR) de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris. Une grande partie des études réalisées à l'Université de Provence d'Aix en Provence. Collaboration avec "Cabinet Chrysippe, R&D en sciences humaines et sociales (www.chrysippe.org)

samedi 4 mai 2013

Jean-Marie Le Pen l'a dit Nabilla a de beaux seins !


Sur le Nouvel observateur, je lis un article d'une citoyenne engagée, comme elle aime à le signer Marion de M qui discute une remarque de Jean-Marie Le Pen à propos des seins de Nabilla. Le vieux frontiste aurait dit :

"Nabilla a de beaux seins. Elle ne m'est pas tout à fait indifférente"

Et bien moi ça me le rendrait presque sympathique le Jean-Marie, même si je ne fais pas partie de ses groupies politiquement. Aujourd'hui qu'un homme puisse aimer les femmes et le dire haut et clair, sans aucune vulgarité, cela devient de la "beaufitude" comme le dit Marion de M,  ou pire encore, une perversion innommable qui rendrait le complimenteur suspect.

Si on veut comprendre le rôle de chacun des protagonistes dans cette affaire : la journaliste, Nabilla et Jean-Marie Le Pen, il faut à mon avis comprendre d'abord la position sociologique et les objectifs de chacun des acteurs :

Nabilla est une jeune femme qui a envie de réussir, qui n'en a pas les moyens financiers et qui va mobiliser son corps et sa personne pour réussir. Ses seins sont à la fois son capital, son investissement de départ et son masque au service de sa réussite. Nabilla a parfaitement compris que si elle veut quitter sa zone et avoir une vie plus confortable, ce ne sont pas ses diplômes et ses origines qui vont l'aider. C'est triste à dire, mais Nabilla se cache derrière ses seins car la société la met en demeure de faire le show afin d'acquérir une visibilité médiatique qui lui permettra de réaliser ses ambitions comme Loana en d'autres temps. Et en plus, elle se fait humilier à propos de son langage, de son look, etc., même si par ailleurs les médias jouent sur les dimensions du mépris, du désir et du spectacle, et la belle le sait et en joue aussi car elle est prête à payer le prix pour exister !

En cela rien de très nouveau, le sociologue R.K. Merton avait déjà mis en évidence aux Etats-Unis que les acteurs réussissent à se faire une place au soleil et peut importe la façon d'y arriver !  La fin justifierait les moyens, c'est en cela aussi, soit dit en passant, un des lieux communs entre le fascisme et le Stalinisme.  Ici, comme le montre R.K. Merton,  les valeurs morales mises en avant par la société sont décalées par rapport  à la structure sociale et aux pratiques réelles des acteurs. 

Il y a Jean-Marie Le Pen : un mec de droite, ancien militaire et vieux, soit, 3 mauvaises raisons de lui reprocher d'aimer les femmes et de le dire ! Masculin et macho sous la plume de la journaliste Marion de M vont de soi. Un regard hypocrite et hâtif de  la journaliste qui aurait très bien pu jouer  en d'autres temps dans une comédie de Molière dans le rôle de l' hypocrite Tartuffe s'exclamant : "Couvrez ce sein que je ne saurais voir". Ben oui madame, les hommes (et les femmes aussi) aiment les seins, de toutes les tailles, de toutes les formes et lorsqu'une jeune femme comme Nabilla donne à voir ses seins, peut-être que la politesse ici n'est pas de les ignorer ou de les sur-signifier et de renvoyer la belle à son manque de culture bourgeoise et bigote, et de l'humilier. J'espère ne plus être de ce monde le jour où les hommes ne regarderont plus les femmes et n'apprécieront plus leurs formes ! 

Les castrations morales des "Femmes sans corps et sans seins" tel que Marion de M (sans nom) dans le rôle de la catéchèse à l'endroit des hommes m'angoissent : elles nous promettent un monde sans saveur et sans odeur et finiront par admettre que la burka est ce qui conviendrait le mieux à Nabilla et toutes ces femmes objets ! Sauf que là, l'approche intellectuelle est faussée dès le départ : le corps de Nabilla, des femmes, des jeunes femmes étudiantes, beurettes, etc., qui se prostituent ailleurs est leur SEUL capital, elles n'ont pas eu la chance d'être bien nées et personnes ne leur mettra le pied à l'étrier pour qu'elles participent de la promotion sociale, elles doivent payer ! C'est donnant-donnant !. 

On peut être triste, désirant ou fataliste genre "c'est la vie, ça a toujours été comme cela", face à ces femmes. On peut aussi avoir de la sympathie et de la tendresse en les voyant se démener pour réussir et on peut aussi être pris d'une vraie colère contre cette société inégalitaire et ceux, hommes et femmes de pouvoir, qui en perpétuent le modèle. Nabilla n'est que le syndrome des femmes au travail moins payées que les hommes à qualification égale, des femmes au foyer, des femmes plus nombreuses au chômage que les hommes, des femmes beaucoup plus seules que les hommes après 40 ans, des jeunes femmes de banlieues ostracisées, etc.

Vous vous trompez de cible Marion de M, pour une fois Jean-Marie, n'est pas coupable : ce n'est pas un beauf salace... et Nabilla est innocente !

J'ai oublié un acteur, non-humain, comme dirait le sociologue Bruno Latour  et non des moindres : les seins ! Les seins jouent un rôle certain dans l'imaginaire érotique, mais aussi en psychanalyse, depuis la naissance jusqu'à la mort, ne parle-t-on pas d'oralité ? Ils jouent un rôle dans l'art, la littérature, la peinture, la poésie et la chanson et en politique avec les Femen par exemple. Les signes de la féminité par excellence ce sont les seins, sinon pourquoi tant de femmes referaient leurs poitrines à la suite d'un cancer ou encore se sentiraient mal dans leur peau à cause d'une poitrine qu'elles n'aiment pas et prendraient le risque de la faire opérer, pensez au procès des prothèses mammaires à Marseille. Mais comme le disait aussi une amie :

" Les seins sont comme des hameçons, ça rend les hommes débiles parce qu'ils se jettent dessus comme des poissons".

Madame Marion de M, Nabilla se sert de son corps comme lieu d'inscription de la domination sociale, masculine parfois, mais surtout bourgeoise ! Et plutôt que de montrer le doigt qui montre la lune (Jean-Marie) vous auriez pu offrir une ode au courage de cette jeune femme qui tente de prendre d'assaut cette société discriminante pour y faire sa place, un compliment aussi à sa beauté toute plastique qui lui sert de passeport là ou d'autres font claquer leur origine et leur nom, leur pognon, leurs muscles, leur beauté fade et convenue d'artistes propres sur elles, etc. Au cas où vous ne comprendriez pas que vous êtes encore plus vulgaire que Le Pen par votre papier dans le Nouvel Obs, à propos des seins de Nabilla et du compliment du vieux fripon, je vous le dis vous êtes vulgaire, et c'est vous qui soulignez ces seins qu'elles auraient pu en d'autres temps, avec d'autres origines, ne jamais devoir montrer.

Enfin pour vous cultiver un peu et vous remettre en question, je vous renvoie à E. Goffman le grand sociologue qui comme Nabilla (qui semble plus intelligente que la plupart des journalistes qui la mettent en scène juste pour ses seins), avait compris que la société est une scène :

"Il s'ensuit que, lorsque des gens appartenant à des groupes sociaux différents entrent en rapports, il est très fréquent qu'au moins un des participants soit empêché de s'engager spontanément dans le sujet de la conversation par ce qui lui apparaît comme une conduite inconvenante de la part des autres. Ce sont de telles différences dans les coutumes d'expression qu'il conviendrait de considérer d'abord quand nous essayons de nous expliquer les incorrections de ceux avec qui il nous arrive de converser, plutôt que de chercher, au début du moins, à loger le blâme dans la personne même des offenseurs."

Nabilla tu es belle et tu me rends triste !








1 commentaire:

  1. Je vous ai découvert aux Grandes Gueules, j'aime vous écouter et maintenant vous lire.
    Votre article sur Nabila est très pertinent.

    RépondreSupprimer